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La psychanalyse, disait Dolto, c'est apporter à chaque séance un message inconnu de soi-même et qu'un autre perçoit parce qu'il est payé pour y être attentif et pour se projeter le moins possible. C'est une aventure revécue de sa propre vie. Rares sont aujourd'hui encore ceux qui connaissent les bienfaits véritables de cette technique d'utilité publique inventée par Freud. Aussi remarquable que subversive, cette pratique profondément éthique se détermine d'un lien social à deux inédit et permet à celui qui en bénéficie - enfant, adolescent ou adulte - de retrouver dans le parler ce qu'il lui faut de jouissance, de courage et de détermination pour que son histoire continue. Elle révolutionne de surcroît son rapport à lui-même, aux autres et au monde. Bienvenue. Cécile Crignon

Les paroles qui ont été dites au-dessus d'un berceau de nouveau-né s'écrivent comme un destin. (Françoise Dolto)

Ce que je voulais vous dire, surtout aux sages femmes qui sont ici, puisque je sais qu'il y en a, c'est l'impact qu'ont les paroles sur les mères tout à fait au début, l'importance de la personne qui s'occupe du bébé, surtout si c'est une femme, l'importance de la façon dont elle s'en occupe et parle, la première fois, du bébé. 

J'ai vu beaucoup de femmes, ayant des enfants avec des problèmes graves, qui me disaient : " Mais... la sage-femme quand j'ai accouché, elle me l'avait bien dit!" 

C'est extraordinaire cet impact de la première parole. 

Comme si, à ce moment-là, l'être humain vivait une telle intensité archaïque  de la relation à l'Autre qu'une parole, dite en péjoratif, va agir dans la relation de la mère à son enfant d'une façon qui va obérer, chez cet enfant, la réaction de défense, pour entrer dans une relation sociale à la mère qui serait... Par exemple, une mère me parle de son enfant " insupportable" ( ces enfants insupportables  comme nous en voyons, insupportables à partir surtout de l'âge de la marche confirmée, à partir du non à la mère ).

Vous savez qu'il y un a un âge du non à la mère, qui est un "non" dans le faire ou la mimique, et qui est un "dire oui" du sujet qui advient à lui-même; et qui pour advenir à lui-même doit dire "non" à cette fatale dépendance à la mère qui fait qu'un être humain s'aliène dans l'autre de façon hystérique. 

Si l'enfant dit "non" et que la mère répond" j'ai dit..." et ne fait pas un drame de cette opposition, elle lui laisse  le temps "d'être oui" personnellement à la suggestion de sa mère. C'est une époque connue qui survient entre dix-huit mois et deux ans et demi.

Eh bien, c'est à ce moment que certains enfants deviennent "pervers" par une espèce d'angoisse de la mère devant l'opposition verbale de l'enfant. Et c'est toujours des mères qui disent: " Ah! mais la sage-femme me l'avait bien dit, qu'il serait terrible!"  ou " Mon amie Unetelle qui a vu beaucoup de bébés me l'avait bien dit, elle est venue près du berceau et m'a dit: " Ah! celle-là, qu'est-ce qu'elle vous en fera voir! Ah! vous n'en n'avez pas pas fini avec celle-là!"

Souvent, c'est une mère qui jusque-là avait élevé ses enfants sans problème. Il a suffit d'une seule femme qui lui a prédit que celui-là " il lui en ferait voir", pour qu'elle en attende... du mal. Et puis, dès que cet enfant, comme on dit "lui en fait voir", ça y est, c'est ça! Et ensuite, ça fait boule de neige. Ça fait une relation qui se perturbe. 

Jusqu'au jour où elles peuvent arriver à dire ça, cet enfant est marqué, comme si son destin était de n'être qu'agressif avec sa mère, de l'en faire souffrir comme si ça avait été écrit. 

Les paroles qui ont été dites au-dessus d'un berceau de nouveau-né s'écrivent comme un destin. 

( Françoise Dolto, Articles et conférences, 4, La difficulté de vivre, Gallimard, 1995, p.58 ) 

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